Petite plongée dans un « autre monde », celui du handicap, à l’occasion d’une cure à Lamalou les Bains. Une expérience de vie et un vrai miracle au milieu de cette « cour des miracles ».
Tous les jours, je passe deux heures à barboter dans les eaux thermales de Lamalou-Les -Bains, (Hérault) entre 32 et 36 degrés selon les soins (« deux sources d’eaux de type bicarbonatées, ferrugineuses et riches en magnésium et potassium, qui contiennent du manganèse, du zinc et de la silice, des gaz rares », selon le catalogue). Détente, amélioration globale pour les douleurs, et meilleure santé assurée, c’est vrai, pour au moins 6 mois.
« Un autre monde » car c’est aussi une grande expérience de vie : c’est la troisième année que je viens ici pour les 21 jours de cure (pris en charge par la Sécurité sociale, on est riches en France, on ne se rend pas compte).
Les premiers jours, toujours un petit choc. Évidemment, ici les personnes sont majoritairement en situation de handicap : dans les couloirs ou les piscines diverses, je croise des boiteux, des estropiés d’une jambe ou de l’autre, d’un pied, ou encore corsetés, béquilleux, douloureux ou paisibles, fatigués, patients, inquiets ; il y a les dos courbés, les secs, les ventrus, les petits pas saccadés des parkinsoniens ou des lents Prudence-Petits Pas, des cannes, des fauteuils roulants, des déambulateurs…
Bref, une vraie « Cour des miracles » ; mais, où trouve-t-on le miracle me direz vous ? Je le vois chaque instant : il est dans le rire rauque du petit gamin polyhandicapé qui apprécie l’eau accueillante dans les bras de sa maman, je le vois dans le sourire éclatant de cette jeune femme avec un trou pour nez, dans l’humour des uns et des autres (surtout les hommes, il y en a beaucoup… ), les entraides entre malades qui ont du mal à se lever ou pour pousser un fauteuil roulant coincé, les discussions feutrées et le rire discret des femmes, les bonjours autour du poste à tisane.
Le miracle, je le vois dans celles (majoritaires) et ceux qui portent à la piscine bouillonnante ces « cabossés de la vie », qui les chouchoutent, accompagnent les perdus-es dans les couloirs, et, malgré la charge de travail, toujours souriantes « pour deux » ; ici, c’est accueil, respect, accompagnement, qui cohabitent avec compétences. On sent que les critères d’embauche doivent englober ces valeurs humanistes véritables.
J’ai toujours été sensible au handicap, et révoltée toujours sur le peu de place que les « bien portants » leur laissent, que ce soit les personnes individuelles ou les politiques (Angers est tout en bas de la liste des villes adaptées au handicap). …Quelle vie de galère, quel courage, quelles exigences d’adaptation, « respect mon Général » !
Pourquoi voyons-nous d’abord le handicap avant de voir la « personne » ? Sans doute que le handicap, qu’il soit physique ou mental, nous renvoie violemment à ce que nous, les « biens portants » craignons de devoir supporter : la faiblesse, l’inutilité, (apparente, mais nous sommes doués pour ne voir que les apparences), la dépendance, etc. Et la perte de notre pouvoir en général, quand on ne peut plus maîtriser rien soi-même. Cela nous angoisse au plus profond de nous. Donc, il est plus rassurant de ne pas s’attarder avec ces personnes qui en sont pour nous le symbole. De plus nous sommes toujours insécurisés par celui qui est trop différent de nous, dans lequel nous ne pouvons pas nous « mirer »…
Je ne peux m’empêcher de penser à l’extrême de l’extrême du nazisme …